PERE, GLORIFIE TON FILS

7ÈME DIMANCHE DE PÂQUES, ANNEE A

TEXTES : Ac 1, 12-14 ; Ps 26 (27), 1, 4, 7-8 ; 1 P 4, 13-16 ; Jn 17, 1b-11a

Photo: Wikimedia Commons

Après les deux dimanches derniers St Jean, l’apôtre bien aimé nous a déjà fait comprendre que tout ce que Jésus a fait était l’œuvre du Père dans l’Esprit Saint. Maintenant c’est toujours Dieu dans ses trois dimensions qui va continuer l’œuvre du salut à travers ses disciples historiques et nous qui sommes devenus croyants/croyantes : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. », nous dit Jésus. Aussi Jésus parle-t-il d’envoyer l’Esprit, de rester avec nous, que le Père viendra à chacun/chacune de nous. Les trois « viendront » à nous, et nous croyons avec pleine assurance qu’ils sont déjà là. Efforçons-nous de les voir en nous, dans nos frères/sœurs et par sa création tout entière :« Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière », bien sûr dans la communauté, église domestique, le noyau de notre crèche, de notre initiation chrétienne, de maturation et notre ascension, de notre glorification.

Après l’Ascension de notre Seigneur, aujourd’hui nous revivons sa prière pour nous et pour le monde : « Père, glorifie ton Fils ». La glorification est un des thèmes majeurs de cette prière. Dans la tradition biblique, la gloire (en hébreu Kavod ; en grec doxa) traduit une notion de poids, de richesse, ou d’honneur. Le verbe glorifier veut donner de l’importance à son bénéficiaire. Dans notre contexte, qui précède la Passion, la glorification mutuelle vient éclairer la mission du Fils. C’est en livrant sa vie que le Fils glorifie le Père : il révèle au monde tout l’amour divin du seul vrai Dieu. De même, concomitamment, le Père glorifie le Fils en l’accueillant auprès de lui. Cette prière implique déjà le Père dans cette Passion qui révèle son envoyé : Jésus-Christ et son salut. Le Père ne se désolidarise pas de son fils et de nous, y compris dans nos souffrances. Car cette glorification mutuelle est avant tout destinée au salut des siens par le don de la vie éternelle. Ce don salvifique ne s’exprime pas en termes de mérites, mais d’accueil et de disponibilité. Le don de la vie éternelle recouvre la connaissance relationnelle qui unit le Père et le Fils, au cœur de la Passion. La vie éternelle prend sens à la croix qui accomplit le dessein, l’œuvre de l’envoyé pour le Père. Elle ne se réduit donc pas à l’accès à un au-delà divin après notre mort mais dans le maintenant. Elle représente, dans l’accueil de la foi, la grâce de Dieu au sein d’une réelle communion : une vie pleinement associée à l’Eternel, par son Fils.

« Tu me les as donnés…et ils m’ont vraiment reconnu ». La glorification et la révélation sont ainsi destinées au salut et à la vie des disciples. Si la vie éternelle est un don, il en est de même pour tout disciple. Ce don les inscrit dans une appartenance durable. Ils n’appartiennent plus au monde hostile, mais au Fils de Dieu. Le message est plein d’espérance pour ces chrétiens de la communauté johannique qui ont dû quitter, de force, leur synagogue et parfois leur famille. Dorénavant, en accueillant la foi en Jésus-Christ Fils et envoyé du Père, en mettant foi en sa Parole, les disciples bénéficient de cette élection divine. La glorification mutuelle se confond ici avec la pleine révélation et manifestation divine dans ce maintenant, cet aujourd’hui de la foi. Et ce maintenant renvoie également à cette heure venue de la Passion. C’est la foi qui a toujours animé les communautés chrétiennes. Nous ne sommes pas seuls, perdus au milieu de l’histoire, abandonnés à nos propres forces et à notre péché. Christ est avec nous. Dans des moments comme ceux que nous vivons aujourd’hui, les croyants sont faciles de tomber dans les lamentations, les découragements et le défaitisme. On dirait que nous avons oublié quelque chose dont nous devons absolument nous souvenir : il est avec nous.

Moi, je prie pour eux car « Eux sont dans le monde ». Le souci de défendre et de préciser la présence du Corps et du Sang du Christ dans l’Eucharistie a pu inconsciemment nous amener à oublier la présence vivante du Seigneur ressuscité au cœur de toute la communauté chrétienne. Toutefois, pour les premiers croyants, Jésus n’est pas un personnage du passé, un défunt qui est vénéré et cultivé, mais quelqu’un de vivant, qui encourage, vit et remplit de son esprit la communauté croyante. La prière se fait, maintenant, intercession. Le Christ prie pour ses disciples qui vivent dans le monde, c’est-à-dire : confrontés au monde des oppositions, des exclusions, des persécutions. Leur unité, leur espérance, a d’autant plus besoin de la prière du Christ. Une fois encore, sans lui, ils ne pourront rien faire (Jn 15, 5), ni survivre en tant que communauté croyante. La prière du Christ unit les siens au Père, dans un mouvement oblatif. Tout est don.

Somme toute, quand deux ou trois croyants se réunissent en son nom, il est au milieu d’eux. Les rencontres des croyants ne sont pas des assemblées purement d’hommes orphelins qui tentent de s’encourager mutuellement. Au milieu d’eux se trouve le Ressuscité, avec son souffle et sa force dynamisante. L’oublier, c’est risquer d’affaiblir notre espoir et notre espérance. Lorsque nous rencontrons notre frère/sœur dans le besoin, méprisé ou abandonné, nous rencontrons Celui qui voulait être radicalement solidaire avec lui. C’est pourquoi notre adhésion actuelle au Christ n’est nulle part mieux vérifiée que dans l’aide et la solidarité avec ceux/celles qui en ont besoin. « Quand vous avez fait à un de ces petits, vous me l’avez fait ». Jésus, le Ressuscité est dans l’Eucharistie nourrissant notre foi. Il est dans la communauté chrétienne en train d’insuffler son esprit et d’encourager la mission. C’est chez les pauvres qui font passer nos cœurs à la compassion. Il est là tous les jours jusqu’au bout du monde.

Que devant la Lumière du Verbe et l’Esprit de Grâce se dissipent les ténèbres du péché et la Nuit de l’incroyance. Et que l’Amour de Jésus habite dans nos cœurs. Amen !

P. Roméo Yémso, SVD

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