ET VOUS, QUE DITES-VOUS ? POUR VOUS, QUI SUIS-JE ?
21ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, ANNEE A
En ce 21ème dimanche les lectures nous proposent deux thèmes : Qui est Jésus et le pouvoir des clés. La première chose à garder à l’esprit est que les évangiles sont écrits bien après la mort de Jésus et qu’ils reflètent donc, non pas ce qu’ils ont compris en vivant avec lui mais ce que les premières communautés pensaient de lui. Il est aussi logique qu’ils se préoccupent de la structure de la nouvelle communauté : le texte nous exprime ici les expériences pascales de la première communauté de Mattheiu qui se base sur trois grandes figures pour définir et connaitre qui est Jésus et ensuite revêtir Pierre d’une autorité spéciale face aux autres disciples.
En fait, on veut différencier l’opinion des gens de celle des Apôtres pour pouvoir manifester une formule de foi primitive. Mieux vaut dire que la différence serait entre ce que les gens et les disciples ont pensé de Jésus de son vivant et ce qu’ils ont pensé de lui après l’expérience pascale. Pendant qu’ils vivaient avec lui, ils lui ont montré une grande admiration et une grande estime, mais ils n’ont pas réalisé toute la nouveauté qu’il apportait. Les disciples ont eu du mal à comprendre le message de Dieu et beaucoup se sont passé d’une interprétation nationaliste du Messie au messianisme de Jésus. Ce n’est qu’après l’expérience pascale, grâce au souffle de l’Esprit qu’ils ont réussi à franchir au-delà de leur nez.
L’évangile de Mattheiu nous présente trois prophètes et le « Fils de l’Homme ». Et la première question porte sur la figure du Fils de l’Homme, sa représentation selon les dires des uns et des autres. La seconde question porte, de manière directe, sur Jésus lui-même. C’est une façon de réaffirmer ici l’identification du « Fils de l’Homme » en la personne de Jésus. Suivons attentivement toutes les réponses.
Ainsi, Mattheiu propose trois personnages identifiables avec ce « Fils de l’Homme » : Jean, Élie et Jérémie. Ce passage ne vient pas rendre compte des croyances sur le « Fils de l’Homme » à l’époque de Jésus. Il évoque trois figures qui justement éclairent l’identité de ce personnage dont le prophète Daniel en décrit la gloire et la puissance (Dn 7). Un des points communs entre Jean, Élie et Jérémie est certes cette attente d’un temps de restauration et de règne divin. Mais ces trois figures sont celles aussi qui ont eu à se confronter au pouvoir et à la persécution.
Jean, le dernier en date, fut décapité par Hérode en raison de ses propos (Mt 14,10). Élie dû fuir maintes fois la colère des rois et de la reine Jézabel (1R 17-2R 1). Quant à Jérémie, il fut attaché au pilori (Jr 20,1) avant de séjourner au fond d’une fosse pour avoir prophétisé la chute de Jérusalem et l’exil (Jr 38). Ces serviteurs de la Parole de Dieu qui appelaient à la conversion, se sont confrontés à la surdité et l’aveuglement des puissants et parfois même du peuple. Ainsi les noms de ces prophètes, donnés par les disciples, ne sont pas des mauvaises réponses. Ils orientent la figure du Fils de l’Homme vers le don de sa vie.
La réponse qu’émanant de la bouche de Pierre, semble exacte, bien qu’elle ne soit pas nouvelle, car tous les évangélistes le disent dès les premières pages des évangiles : « Tu es le fils de Dieu Vivant ». Il est clair que le but de cette histoire est d’établir une profession de foi pascale. Si Pierre avait prononcé cette phrase avant l’expérience pascale, il l’aurait fait en pensant à un « Fils de Dieu » dans le sens où les Juifs l’ont compris ; en tant que personne très proche de Dieu ou qui a une mission de Lui. Mais, on se rend compte que trois personnages ont déjà qualifié Jésus de Fils de Dieu : le tentateur au désert (Mt 4,3.6) et les deux démoniaques de Gadara (Mt 8,29-34 ; Mc 5, 1-20 ; Lc 8, 26-39) … Ce titre était jusque-là réservé au monde des ennemis de l’Évangile. Il ne faut pas pour autant faire de Pierre un de ces opposants maléfiques, ce serait contradictoire avec les récits précédents le concernant. C’est pourquoi sa profession de foi, qui est aussi celle des apôtres, de la communauté, demande à être éclairée. Ce que va faire Jésus lui-même avec une intervention étonnante.
Admirons profondément la réponse de Jésus, le « Fils de Dieu vivant » à Pierre : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas… » ; en le renvoyant lui aussi à son identité filiale, il s’adresse à l’homme simple celui qui était encore, il y a peu, pêcheur en Galilée. En cela, il n’est ni scribe, ni sage, ni savant. En cela, sa foi ne vient pas d’un savoir extérieur, mais d’abord de sa proximité, son humanité avec son Seigneur et son Père. La profession de foi de Pierre naît de cette relation intime et fragile, lui le pêcheur de Galilée.
Qui est Jésus ? Nous ne le découvrirons jamais complètement. Toute tentative de répondre par des formules rationnelles ne résoudra pas aussi le problème. La réponse doit être pratique, pas théorique. Ma vie est celle qui doit dire qui est Jésus pour moi et pour ma communauté. De l’effort des premiers siècles pour comprendre Jésus, nous devons faire les nôtres, non pas les réponses qu’ils ont données mais les questions qui ont été posées. Ce qui nous importe c’est de découvrir la qualité de l’humanité de Jésus dans laquelle se reflète sa divinité ; c’est là notre mission, trouver le moyen d’arriver à cette même plénitude. « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Les possibles réponses : Soit, nous exagérons sa divinité en le transformant en extraterrestre, soit nous limitons son humanité et alors il nous serait très difficile d’accepter qu’il soit pleinement homme et divin. Ce qu’est Jésus ne peut pas être pensé ou exprimé avec des mots car c’est ce qu’il y a de Dieu en lui et Dieu ne peut pas être pensé ou dit. Tout ce que nous pouvons dire sur le transcendant sera toujours symbole et métaphore. On ne peut atteindre la connaissance de Jésus qu’en découvrant ce qui est de Dieu en soi, en moi et en nous.
Que devant la Lumière du Verbe et l’Esprit de Grâce se dissipent les ténèbres du péché et la Nuit de l’incroyance. Et que l’Amour de Jésus habite dans nos cœurs. Amen !
P. Roméo Yémso, Svd.