S’IL T’ECOUTE, TU AS GAGNE TON FRERE
23 ème Dimanche du Temps Ordinaire – A
TEXTES : Ez 33, 7-9 ; Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9 ; Rom 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20.
Photo: Mgr Fansaka distribue le Nouveau Testament en Kiyaka (RD Congo)
Bien aimés dans le Christ Jésus, en 23ème dimanche les textes liturgiques nous enseignent sur la notion du mot « frère » comme membre de la communauté. Ces textes sont riches en couleurs : « Si tu n’avertis pas le méchant, c’est à toi que je demanderai compte de son sang » ; « Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur » ; « Celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi » et enfin « S’il t’écoute, tu as gagné ton frère ». En fait en Mt, il nous semble pour la première fois cet usage du mot frère. Il faut noter que ce texte est à la suite de la parabole de la brebis égarée, qui se termine par la phrase : « Ainsi votre Père ne veut pas que l’un de ces petits soit perdu », l’humilité nécessaire pour se soucier des plus petits (Mt 18,1-14).
En réalité, ce que nous raconte l’évangile d’aujourd’hui c’est ce qui était pratiqué dans la communauté de Mt. Il s’agit de pratiques qui avaient déjà lieu à la synagogue. Dans cet évangile, la préoccupation de la vie intérieure de la communauté (Église) est très pertinente. L’Évangile nous avertit qu’il ne fait pas partie d’une communauté de parfaits mais d’une communauté de frères/sœurs, qui reconnaissent leurs limites et ont besoin du soutien des autres pour surmonter leurs échecs. Les conflits, les confrontations, les difficultés peuvent surgir à tout moment, mais l’important est d’être prêts à les surmonter sans violence, dans le dialogue, l’écoute, le pardon, la correction fraternelle et la réconciliation sacramentelle.
Bien aimés dans le Christ Jésus,« Si ton frère a commis un péché contre toi » (Mt 18,15-16) : nous ne devons pas comprendre avec le concept de péché que nous avons aujourd’hui. La pratique pénitentielle des premiers siècles s’est déroulée uniquement autour des péchés contre la communauté, l’attitude personnelle vis-à-vis de Dieu n’était pas prise en compte et jugée mais le préjudice causé à la communauté. La réponse de la communauté ne jugerait pas de la situation personnelle de celui qui a péché mais des dommages qu’elle a causés à la communauté, qui doit veiller au bien de tous ses membres.
La correction fraternelle n’est pas une tâche facile, car l’être humain a tendance à manifester sa supériorité animale. Dans ce cas, cela peut arriver doublement. Celui qui corrige peut humilier le frère en voulant faire voir sa supériorité morale. Ici, nous devons nous souvenir des paroles de Jésus : Comment vas-tu dire à ton frère : « “Laisse-moi enlever la paille de ton œil”, alors qu’il y a une poutre dans ton œil à toi ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère » (Mt 7, 3-4). Ton frère peut refuser la correction par manque d’humilité. De part et d’autre, un degré de maturité humaine pas facile à atteindre. Aujourd’hui, nous rencontrons la difficulté supplémentaire qu’il n’y a pas de véritable communauté, toujours le biologique, le sang nous domine tous/toutes.
Bien aimés dans le Christ Jésus, « Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel », (lier et délier) est une image de l’AT souvent utilisée par les rabbins de l’époque. Cela signifie la capacité d’accepter quelqu’un dans la communauté ou de l’exclure. C’est aussi ce que l’ont compris les premières communautés dont les membres étaient tous juifs. La notion de péché, comme offense à Dieu qui a aussi besoin du pardon de Dieu, telle que nous le comprenons aujourd’hui, n’a pas fait l’objet de réflexion dans la première communauté. Il ne s’agit pas d’un pouvoir conféré par Dieu pour pardonner les péchés considérés comme des offenses contre Lui.
« Tout ce que vous liez sur terre… » (Mt 18,17-18). Il y a deux dimanches, après la profession de Simon Pierre à Césarée de Philippe, Jésus s’adressait à lui et aux disciples avec presque les mêmes mots. A qui revient le pouvoir de décider ? Simon Pierre ou la communauté ? L’apôtre Pierre agit comme le chef de la communauté et le contexte nous enseigne que ce sont les individus qui doivent respecter l’avis de la communauté et non l’inverse.
« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18,19-20) : Dieu est identifié à chacune de ses créatures, mais il ne se manifeste que lorsqu’il y en a au moins deux (communautés). La relation amoureuse est le seul cadre idéal pour que Dieu soit présent. Il s’agit de s’identifier à l’attitude de Jésus, c’est-à-dire de rechercher uniquement le bien de l’homme/femme, de la vraie religion qui est l’humanité. Par conséquent, la communauté est la dernière instance de nos relations avec Dieu. Et son objectif est l’entraide pour atteindre la plénitude humaine. Dans ce sens que l’Église est sacrement (signe) du salut pour tous/toutes.
Que devant la Lumière du Verbe et l’Esprit de Grâce se dissipent les ténèbres du péché et la Nuit de l’incroyance. Et que l’Amour de Jésus habite dans nos cœurs. Amen.
P. Roméo Yémso, Svd.