« FEMME, GRANDE EST TA FOI ! »

20 ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, ANNEE A

TEXTES: Is 56, 1.6-7 ; Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8 ; Rm 11, 13-15.29-32; Mt 15, 21-28.

En ce 20ème dimanche, les textes liturgiques nous enseignent à propos du salut universel de Dieu apporté par Jésus Fils de David, celui qui a pitié des hommes. La question de l’ouverture de la Bonne Nouvelle aux autres Nations était d’une importance capitale pour la première communauté. De nombreux chrétiens juifs voulaient conserver l’appartenance au judaïsme comme marque et signe de la nouvelle communauté, tout en conservant la fidélité à la loi. Cette position a donné lieu à peu de discussions entre les disciples et n’a été résolue qu’à près d’un siècle après la mort de Jésus. C’est pourquoi ce passage biblique est si importante dans les différentes étapes de l’évangélisation. Car, « Toute la péricope a pour résultat de montrer une victoire de la Foi sur la Loi ».

Matthieu nous raconte ici cet épisode immédiatement après une violente dispute de Jésus avec les pharisiens et les scribes au sujet des aliments purs et impurs. Son retrait en territoire païen est certainement motivé par cette opposition. Jésus regardant l’allure que prennent les événements, a préféré s’éloigner un moment des lieux où il était surveillé. Le récit vise à rompre avec les schémas stéréotypés que certains chrétiens voulaient maintenir : juifs (enfants d’Israël, les croyants) et étranger (les païens, les chiens).

Notre attention porte l’histoire de la femme cananéenne (Mt 15,  Mc 7). Les deux récits se présentent dans le même contexte immédiat, après le débat sur le pur et l’impur. Mais les différences sont assez nombreuses. Marc parle d’une Syro-Phénicienne et Matthieu d’une femme Cananéenne, pour insister ici sur son identité religieuse et idolâtre. En effet, Mt ne prétend pas satisfaire notre curiosité sur un événement plutôt anodin. Il tient à préciser que si une personne a la foi en Jésus, on ne peut pas empêcher son appartenance à la communauté même si elle est « païenne ». C’est un récit magistral qui pose le problème sous les deux angles possibles. Il veut insister à la fois sur l’ouverture des chrétiens et sur la nécessité pour les païens de vivre des dispositions appropriées de reconnaissance et d’humilité.

Qui sont les chiens « kunarion » ? Les chiens sont considérés comme impurs dans de nombreuses cultures à cette époque. C’est une expression forte d’insulte. À cette différence, la femme s’accroche pour s’en sortir. Jésus ne pouvait se passer des préjugés que le peuple juif emportait. Il avait des raisons de ne pas écouter la Cananéenne ; mais nous voyons un Jésus prêt à apprendre, même d’une femme païenne.

Outre, Matthieu met en premier cette reconnaissance du Dieu d’Israël. La femme cananéenne représente cette venue de gens des Nations à la foi d’Israël, mais par le Christ. Ainsi la femme demande, non pas en premier la guérison de sa fille, mais d’être reconnue par « son Seigneur ». La Cananéenne est présentée comme une femme de foi qui reprend les mêmes cris que les psalmistes (Ps 6,2 ; 9,13… Aie pitié de moi Seigneur). Ce faisant, elle associe le salut divin à la personne même de Jésus. Elle implore sa pitié, de la même manière qu’on implore Dieu.

« Femme, grande est ta foi » !  Il n’est plus question de Cananéenne, ou « de chiens ».  Jésus reconnaît sa foi à l’égal voire plus de tout homme en Israël… elle qui n’est aux yeux des disciples qu’une Cananéenne. La guérison de sa fille dépasse le cadre du miracle pour authentifier l’action débordante de Jésus jusqu’envers les Nations. Elle aussi a droit au repas de vie et non à quelques miettes, elle aussi peut s’asseoir à la même table que les premiers enfants. Car le temps du Messie est advenu comme le prophétisait Zacharie : Ainsi parle le Seigneur de l’univers : En ces jours-là, dix hommes de toute langue et de toute nation saisiront un Juif par son vêtement et lui diront : « Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous. » (Za 8,23).

Il faut le dire haut que cet évangile nous apprend qu’être chrétien, c’est se rapprocher de l’autre, dépasser toute différence d’âge, de sexe, de culture ou de religion. Le prochain est toujours celui qui a besoin de moi. Nous n’avons rien eu, et nous n’avons rien de clair. À force de nous croire supérieurs aux autres, nous avons encore trop de mal à accepter « l’autre » tel qu’il est et à le laisser rester différent, surtout celui qui est « l’autre » par sa religion. Dans le cadre familial, une relation inadéquate entre parents et enfants est à l’origine des tensions et du rejet de l’autre. Souvent, la faute de ce que sont les enfants est prise par les parents, de ne pas se mettre à leur place et d’essayer de comprendre leur point de vue. Accueillir l’autre avec amour et compréhension pourrait éviter de nombreuses personnalités malades. Nous devons tirer des leçons de l’histoire, que celui qui a besoin de moi est le faible, celui qui n’a aucun droit, celui qui est exclu, quel que soit son état. Là aussi, il y a la leçon à apprendre. Aussi, nous devons reconnaître que Dieu nous aime tous, non pas pour ce que nous sommes, mais pour ce qu’il est. Cette vérité suffirait à démanteler toutes nos prétentions de supériorité et, par conséquent, tout signe d’intolérance et de rejet à celui qui ne pense pas ou agit comme nous. Nous devons traiter chacun comme Dieu nous traite.

Que devant la Lumière du Verbe et l’Esprit de Grâce se dissipent les ténèbres du péché et la Nuit de l’incroyance. Et que l’Amour de Jésus habite dans nos cœurs. Amen!

P. Roméo Yémso, Svd.

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